Il y a +/- deux mois Cyrile grand amateur éclairé sur l'oeuvre de André, m'a fait parvenir son analyse sur la 1er planche du T1 des 7 Vie de l'Epervier. Je ne l'avais pas oublié !!
A l'occasion du 30ème anniversaire de la parution des "7 vies de l'Epervier" (mai 1983 - mai 2013), une analyse détaillée d'une planche emblématique du T1
© JUILLARD / Cothias
On parle souvent, à juste titre d'ailleurs, d'André Juillard comme du dessinateur de l'Elégance incarnée : c'est un peu occulter la noirceur réaliste au service de son travail, notamment sur sa série mythique : "Les 7 vies de l'épervier" élaborée avec Patrick Cothias au scénario ...
Mai 1983 - Mai 2013 : 30 années durant lesquelles continuent de souffler le vent de la BD dite historico-réaliste ... le vent des 7 vies ...
Extrait de "L'Art de la Bande Dessinée" : "Juillard est d'abord un artisan apprécié des scénaristes et des éditeurs pour la probité de son traitement, qui met son sens aigu du décor, à la fois architectural, vestimentaire et comportemental, et la ductilité de son talent graphique au service d'intrigues aventureuses, généralement très classiques si on les mesure à l'aune du roman historique, mais apportant un air neuf dans le secteur confiné de la BD à costumes."
Cette planche 7 est une planche Majeure, graphiquement et émotionnellement, du Cycle des 7 vies ... planche de la naissance d'Ariane, de la naissance d'un épervier épris de remords, de la mort d'une fratrie, de la naissance d'un mythe ... âpreté, dureté du propos et de la scène, le tout réhaussé par un encrage profond et dense de Juillard ...
La Blanche Morte (voir case 2 en image additionnelle) fut utilisée pour la couverture du superbe TT de Laurent Hennebelle (2012), et reprise sous un autre angle pour la version Grand Format Glénat en 1992 : c'est une case incontournable où mort et vie se côtoient ... aucune autre planche du Tome 1 ne reprend cette naissance du mythe !
D'un point de vue technique, tous les éléments du style graphique de Juillard, enfin libéré de Masquerouge format Pif, se retrouvent :
- Le strip 1 (voir photo), et ses cris de chiens débordant du cadre où Juillard se sentait prisonnier jusque là, illustre bien les conseils de ses premiers maîtres, notamment Jijé.
Extrait d'Entracte : "je n'ai jamais oublié ses conseils sur la composition :'Même les lettres que tu écris dans les bulles, leur agencement, leur graphisme c'est du dessin et çà doit être exécuté avec le même soin que le reste'".
- L'intensité de la scène, que nous lecteurs, vivons avec les protagonistes, est mise en exergue par cette fameuse composition des débuts de Juillard, simple pour une efficacité maximale.
Extrait de Juillard-Une monographie : "Ma tendance actuelle, c'est de simplifier les cadrages et dessiner ce qui est vu à hauteur d'homme, plutôt que d'abuser de plongées et contre-plongées".
- l'alternance zones d'ombre/zones lumineuses (paysage de neige) est ici parfaitement rendue.
Extrait de Juillard-Une monographie : "Je suis conscient d'avoir toujours eu une idée assez précise de la lumière, c'est même assez obsessionnel, et ce soucis d'évoquer la lumière passe soit par la couleur soit par un hachurage et des ombres noires. Si cet aspect me tient à coeur c'est par rapport à cette année d'apprentissage du dessin que j'évoquais plus haut, année cruciale avec un professeur très attaché à cette notion de lumière".
En conclusion, cette planche, essentielle dans la première période de Juillard, marque l'origine d'un mythe qui ne cesse de nous éblouir depuis 30 ans ... Ariane, Guillemot et leurs éperviers de la France d'Henri IV sont nés ici et ne sont pas prêts de mourir dans l'âme de nous autres lecteurs ... la preuve en est le duel sans merci que se sont livrés de potentiels acquéreurs pour cette planche dans une célèbre maison de vente aux enchères ... Apre combat que je ne pus suivre à l'époque, mais tel Masquerouge, je suis resté en embuscade et le temps a fini par jouer en ma faveur.
Pour terminer, et comme il est question de Temps, laissons le dernier mot au prolifique Patrick Cothias (voir photo) :
"Toutes les histoires sont vraies ... à plus forte raison celles qu'on se donne la peine (et le plaisir !) d'IMAGINER. Toutes nos condoléances pour le temps qui passe."
"Tout a une fin ?" : Non, assurément ... ;-)
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